Mia madre : La Mort en direct
Dernier film, ou film de la fin ? Prenons quatre chemins dans ce
territoire des morts…
« Sono stanco »
Nanni Moretti ne se remit jamais de La
Chambre du fils (nous non plus), sismographie précise et précieuse d’un
tremblement de terre domestique, la mort d’un adolescent comme la relecture
solaire et musicale (évocatrice berceuse désincarnée signée Brian Eno) de
l’acte insensé d’Alain Cuny dans La dolce vita, ogre philosophe (ou
l’inverse), damné du désespoir, qui finissait par dévorer ses enfants dans le
linceul de leurs draps blancs (Suspiria ?). Le
Caïman manquait de mordant – comment faire la satire réflexive d’un
homme politique, Silvio Berlusconi, pour ne pas le nommer, par essence
(médiatique) caricatural ? Avec Scarlet Diva, Asia Argento se trouva
confrontée au même problème, son autofiction succombant à l’effet boomerang d’une époque (berlusconienne) et
d’un milieu (le cinéma) capturés dans leur vulgarité –, tandis que Habemus papam, pas encore vu, semblait suivre le sillage libre et libérateur du
sympathique Je rentre à la maison, déjà porté par un Piccoli démissionnaire
car rétif aux rôles esthétiques et sociaux imposés (l’amnésie du texte en
terrible délivrance d’un comédien de théâtre veuf, la ruine de l’âge en porte
ouverte sur une nouvelle appréhension du monde, quasi enfantine). Une immense fatigue irrigue Mia madre (une fatigue
immense différa la rapide rédaction de cet article), film à bout de souffle,
film chuchoté, afin de pas réveiller les (presque) morts, de ne pas brusquer
les vivants (les scènes d’éclat, de « saine » colère, autrefois
l’apanage de l’acteur-réalisateur, se voient déléguées au personnage principal,
une réalisatrice en train de perdre sa mère, transfert signifiant et sexué).
La douceur extrême de Mia
madre, film d’horreur inconfortablement débarrassé du rassurant et
parfois pittoresque folklore du genre (riche tradition transalpine durant trois
décennies, des années 60 à 80), en renforce la cruauté jamais aussi impitoyable
que celle de l’existence reflétée, dont témoigne la filmographie de Moretti
depuis ses débuts, dans son classicisme de scalpel, sa transparence stylisée. La
messe est finie, en effet, la transcendance, esquissée in extremis
sur un mode laïque, disparue dans la lourdeur de l’agonie médicalement assistée,
à l’hôpital puis à domicile, paraphe de l’impuissance avant le sas des soins
palliatifs. Le corps maternel malade, qui autrefois donna la vie ; le
corps esseulé de Margherita, sa romance avec un comédien du film en abyme
achevée sèchement, dans le ressentiment de quelques désagréables vérités
assénées à la table d’un café nocturne ; le corps jeune de la fille
revenue au foyer escortée par son père divorcé, étrennant son premier scooter (pas de Vespa à la Journal intime) ; le corps
étranger de l’insupportable star
américaine (John Turturro, enfin émancipé des frères Coen, interprète avec
talent un histrion non dénué de tendresse, à l’instar de cette brève caresse des
traits brouillés de sa cinéaste sur le point de pleurer) ; le corps du
cinéma, pellicule ou disque dur, mémoire fragile et friable, immortalité
mécanique et provisoire offerte à des marionnettes (bergmaniennes)
condamnées : la mort au travail de la caméra enregistre le travail de la
mort au sein des organismes, donne à voir l’anémie, l’engourdissement, la
faiblesse sans remède pénétrant la chair et l’esprit.
Giovanni (prénom « officiel »
de l’auteur, hors de l’abréviation habituelle), assis sur un banc (celui du
final de L’avventura ?), le dit simplement à sa sœur :
« Je suis fatigué », aveu valant pour sa vie entière, justifiant son
renoncement professionnel. Le bâtisseur, avec un sourire goguenard adressé à
son employeur tentant de le retenir, décide de partir, sans même se contredire,
pour parler tel Baudelaire (à moins de lire dans le film un reniement radical
de ce qui le précéda, un peu à l’image de Pasolini abhorrant avec Salò
ou les 120 Journées de Sodome sa trop « naïve » « trilogie
de la vie »). Fils admirable et raisonné, en vérité, puisqu’il apporte à
sa mère hospitalisée de la « vraie » nourriture préparée par ses
soins, contrairement à la sœurette adepte maladroite du traiteur, qu’il
veillera sa dépouille sans faillir, sans frémir, et frère indulgent au manque
de disponibilité, de générosité, de sa « moitié », confirmant avec
nonchalance les dires du petit ami. Moretti, vieilli, blanchi, s’inscrit encore
dans son film, mais cède la parole, le temps d’apparition et l’énergie
narrative à son vrai-faux alter ego féminin, fantôme de sa fiction, le
regard à terre y compris sur l’affiche, où il ne figure que flou, en amorce du
beau visage levé de Margherita Buy. Giovanni/Nanni, figurant de son requiem maternel, accompagne le voyage
intérieur de sa sœur à la façon d’un ange gardien, en clin d’œil à ceux de
Wenders chus du ciel berlinois.
Dans la file des spectateurs devant
le Capranichetta, petit cinéma romain qui projette (et projeta, en 1987) Les Ailes
du désir (ailleurs, on avisera une affiche de Captain America :
Le Soldat de l’hiver, repoussant revers d’une certaine cinématographie
hollywoodienne, que Moretti molesta via
ses piques adressées à Heat et Strange Days,
ou contre l’indépendant Henry, portrait d’un serial killer,
les trois titres brocardés dans Journal intime, nous souvient-il),
il paraît la guider à contre-courant au pays de ses souvenirs, de ses
fantasmes, de ses rêves (le récit à la première personne objectivée, subtile
reformulation du style indirect libre transposé à l’écran, et aboutissement du « je »
collectif usité dans Aprile, ne perd jamais le fil de la
narration ni n’égare dans le labyrinthe de la conscience, Mia madre aussi clair et
lisible que Le Festin nu de Cronenberg ou Inception de Nolan).
L’actrice confesse à la presse sa sidération à la lecture de la première mouture
du scénario, écrasante de complexité, de responsabilité (autobiographique, on y
reviendra), mais l’ami parvient à la convaincre, à la rassurer, à lui faire
incarner ce double imparfait, ce reflet altéré (altérité fondamentale de l’art,
« saut quantique » de la création au mystère alchimique, non
psychanalytique, inépuisable, malgré les risibles efforts de tous les making-of censés en dévoiler les
coulisses obscures, les secrets de fabrication, les arcanes sur fond de
psychodrame promotionnel).
Margherita, moins fatiguée que Giovanni,
récupère l’énergie de Nanni et la transmue en « paradoxe de comédienne »
(remember Diderot), cette seconde
Margherita qui lui ressemble jusqu’à arborer son prénom et sa silhouette fine,
sa peau livide, sa terne blondeur, vampire se nourrissant de son entourage et
de son équipage (la praxis du cinéma,
de l’écriture, vampirisme avéré). En dépit de ses défauts, de son égoïsme, de
son aveuglement sélectif – un comble, pour une femme d’images, incapable de
percevoir le chagrin d’amour de sa propre fille –, l’ultime plan lui reviendra,
dans le bureau de la disparue aux allures de sépulcre, parmi les livres morts
et poussiéreux, le soleil, autrement absent (sauf durant la scène de la « voiture
travelling », placée sous le
signe de l’humour et de l’autodérision), la nimbant d’un rayon bienvenu,
inassimilable cependant à une quelconque épiphanie dans une œuvre purement
matérialiste (discret sacrilège italien au voisinage du Vatican). La
survivante, risquant à chaque seconde l’effondrement, mère sans merci
accouchant du métrage, métamorphosée par l’épreuve spéculaire aux signes de vie
et de mort inversés, réalise in fine son film et sa traversée
endeuillée, du côté de la vie, femme pour et par cela, alors qu’autour d’elle
les hommes tombent, font grève (au propre et au figuré) ou s’éloignent en
silence.
« Cinema
is a shit job! Take me back to reality! »
Barry Huggins, endormi à l’aéroport,
en proie au décalage horaire, prend Margherita au volant pour une quelconque
assistante et fait mine de la draguer sur la route vers l’hôtel (il trompera
pareillement son monde en réclamant sur le plateau du vrai champagne, avant
d’éclater de rire, content de son petit jeu vaguement menaçant). Dans l’une des
scènes les plus vives du film, il se met à danser en compagnie de son
habilleuse, spectacle gratuit et euphorique pour l’amusement ravi de l’équipe
(souvenir de Moretti imitant le mambo
de Silvana Mangano à la TV dans Caro diario). Mais il trébuche et
répète en vain ses répliques, émet des suggestions superfétatoires (« Je
peux recommencer, en plus méchant ? ») ou saugrenues (hilare synopsis
oral au restaurant, avec la complicité involontaire d’un serveur loué pour sa
beauté), dîne à la table familiale et s’engueule avec la réalisatrice (là
aussi, « linge sale lavé en public », tous les membres du bas de
l’échelle conviés au duo en
représentation « sado-maso », soufflé vite retombé, séquence habilement
commencée dans la drôlerie puis s’orientant vers une tension véritable, versant
dans une violence relative, insultes et altercations en monnaie courante de cet
îlot incestueux présenté au dehors, devant les caméras télévisuelles, en
« grande famille » peuplée de gens « géniaux », de
rencontres désintéressées, de films « à ne pas manquer », et gare à
ceux qui, à tort ou à raison, brisent le pacte pseudo-faustien, rompent le
contrat commercial par leurs critiques, leur acrimonie, qu’ils se nomment
Sophie Marceau hier, Vincent Maraval aujourd’hui).
« Vous ne savez pas ce que
représente ce travail pour nous » dit l’ouvrier de la fiction en butte au
licenciement, et la déclaration concerne aussi le « septième art »,
le tournage maintenant à flot la réalisatrice, l’empêchant de sombrer tout à
fait, tandis que ses amours se délitent, que sa fille veut abandonner ses
études (elle-même fatiguée, pour d’autres motifs, davantage générationnels, quelque
part en parallèle de son oncle, donc) et que sa mère meurt. Le quotidien du
tournage, espace exhibitionniste et intimiste, scène tragi-comique de jeux de
pouvoir, de séduction, navire (fellinien) qui vogue plus ou moins bien (avec du
tangage, des remous à base de remords), représente une sorte de bouée, un
divertissement (pascalien) vital, son inachèvement équilibrant la fin définitive,
connue jusqu’à la nausée dans la banalité de son scandale, de cette chronique universelle
d’une mort annoncée. Moretti montre ce qu’il connaît, sans complaisance, sans
délivrer une thèse méta. La solitude et l’indépendance (financière, d’esprit)
de cet homme primé, récompensé, honoré, imprègnent celles de Margherita, femme
dans un milieu majoritairement masculin, qui s’auto-flagelle
(« Stronza! ») et reprend le deuxième assistant aux cadres trop
« serrés », trop proches de l’action quand il saisit l’affrontement
reconstitué entre les forces de l’ordre et les prolétaires en colère, sur
lequel s’ouvre Mia madre. Elle s’interroge : « Il est du côté des
flics ou des ouvriers ? », ignorante, sans doute, de la sympathie
« réactionnaire » de Pasolini à l’égard des CRS d’origine populaire
durant le mois de mai 1968, aux dépens des « révolutionnaires »
estudiantins issus de la bourgeoisie.
Le film débute comme un remake non chanté de Une chambre en ville, et
le spectateur attentif remarque un court travelling
en grue trop beau (ou cinématographique) pour être honnête (comprendre, une
pure diégèse donnée pour stable et irréprochable). Du réel au filmé, du rêve à
la réalité, des réminiscences à la réécriture consciente ou impulsive,
inspirée, il louvoie avec élégance entre les régimes d’images et les types
d’événements, associant les diverses strates dans un fleuve serein et
majestueux à l’intérieur de son cadre réduit, aphone. Moretti manie avec brio la « suspension d’incrédulité »
à la base du spectacle scopique (ou théâtral) et tisse d’une seule pièce les
temporalités, les ressentis, les faits et leur déformation/recréation. On
décèle du Molly Bloom chez Margherita, comme en n’importe lequel d’entre nous,
artiste ou non, tant le stream of
consciousness coule au quotidien dans notre rapport au monde et à
nous-mêmes. Correspondances, échos, ruptures et associations (d’idées, de
sensations) s’interpénètrent à chaque respiration de l’héroïne et des âmes
présentes dans la salle (de projection). Mia madre, film mental, film au
singulier et au féminin, déploie une séduisante tapisserie sensorielle sous le
sceau de la redite, de la répétition, de la variation – visites rituelles à la
malade, routine des prises de vues, fins multiples de la liaison, du film, de la
vie, chapelet de deuils itératifs encapsulés dans le même plan, mais pas positionnés sur le même plan, certes –, l’histoire en trame plutôt qu’en
moteur, la dégradation centrale, et ce qu’elle fait subir au « temps
scellé » (Tarkovski, surtout celui du Miroir, en rime imprévue) des
personnages, affectant la structure de l’œuvre, lui conférant son caractère de
stase, d’érosion, d’entropie.
Art funéraire/psychopompe entre tous,
le « cinématographe » (quelque chose également de Bressonien dans
cette retenue, cette économie de plan et de sentiment), ici, immortalise une
mort et appose sa signature sur l’acte de décès d’un certain cinéma, pas
seulement italien. Une journaliste félicite, avec une rigidité rhétorique, « soviétique »,
Margherita lors d’une conférence de presse, en contre-exemple du subjectivisme
faisant fi des questions sociales. Le « réalisme socialiste »,
stérile supercherie russe, prétendait pareillement rendre compte de la réalité « pour
de vrai », dépourvue du moindre filtre individuel, rejoignant
involontairement le « moi haïssable » de Pascal et soulignant la
prétention de la propagande, élaborée à gauche ou à droite, de retranscrire,
circonvenir, le monde apparent, l’intériorité des êtres sacrifiée sur l’autel sanglant
de l’idéologie (l’actuel courant supposé social du cinéma français laisse
songeur dans sa caricature, son misérabilisme, ce mépris de classe à peine
déguisé en « citoyenneté » politiquement correcte). Mia
madre, film politique ? Assurément, parce qu’il place l’individu
au cœur de la cité, parce que son trajet recoupe celui de beaucoup (de chacun,
d’une manière ou d’une autre), parce qu’il délaisse les idées, les discours,
les harangues au profit des émotions, des réflexions, des observations (cf. la
puissance vraiment contestataire du mélodrame, chez Sirk et Fassbinder).
Nul hasard si le mouvement de foule
se révèle joué, si la logorrhée de la critique s’évapore dans un brouillard
sonore court-circuité par l’ironie intérieure, en voix off, de la réalisatrice. Les utopies de masse dissoutes dans les
chambres à gaz d’Auschwitz, enterrées sous la glace de Sibérie (qui ose dire
« nous », à présent, sinon les émissaires des extrémismes ?), le
cinéma de Scola ou Rosi (par exemple) évanoui, les films dits engagés ne
peuvent simplement plus exister, ni en France, ni en Italie, ou alors sous une forme
dégradée, convenue, consensuelle – qui ne remet en cause ni l’ordre social, ni
les moyens de production artistique –, illustrée par le manichéisme de la
fiction d’usine, avec ses ahurissants figurants sortis du salon de beauté ou de
la pire télé-réalité (pléonasme). Du même mouvement, la mort d’un proche exclut
de la société tout en reliant à elle, à son ontologie, à sa réponse plus ou
moins défaillante suivant le siècle et le continent (prise en charge collective
et culturelle, voire cultuelle, du deuil en Afrique, au Mexique ou en Corse,
dispositif des « pleureuses », des veillées funèbres, des fêtes
dédiées aux morts). Moretti ne parle plus en son nom et continue à s’exprimer à
la première personne, par procuration, dans un pays (dans une Europe) où la
concorde (et encore) ne s’obtient désormais qu’au prix du sport, du terrorisme
ou du tabou éternel : fin du projet de société, fin d’une forme
audiovisuelle (« fondu au noir » et final cut), fin de soi-même (montage irréversible de l’inanimé),
dans l’écume individualiste atomisée, angoissée, délestée du secours religieux
(à ne pas confondre avec une religion instrumentalisée). D’un ton plus léger,
adieu irrévocable à la comédie musicale sur le « pâtissier trotskiste »
ébauchée dans Aprile.
« Maman… – Oui ? – À quoi
tu penses ? – À demain. »
Au « principe de plaisir »
du cinéma, si prompt à supplanter le réel, l’adoucir, le polir, l’aseptiser («
Je n’écris pas pour consoler », disait Sade dans sa correspondance), avec
ses comédies sinistres, ses romances pornographiques, son œcuménisme
mercantile, sa pyrotechnie décérébrée, l’opus
oppose un « principe de réalité » doucement dévastateur. Pas de fin
heureuse, pas de deus ex machina, à
peine une politesse désespérée (la part d’oxygène comique, attribuée au « bouffon »
de Turturro) : Mia madre ose regarder la mort en face, quand elle défait la
face des êtres chers, les rend méconnaissables, déjà porteurs du « masque
de la mort ». Le film de Moretti demeure dans le domaine de la bienséance
(parents enseignants, ceci expliquant peut-être cela), n’agresse pas
visuellement, au niveau de l’épiderme ou de l’estomac (spécialité du genre
« horrifique »), et se situe dans une bulle familiale et spatiale
frisant le protectionnisme représentatif (une saveur WASP dans cette Italie
automnale abstraite, dépourvue de couleurs – de vêtements ou de peaux). La mort
« en cours » dévitalise les images, leur confère une patine morne (to mourn, dit l’anglais), elle enferme
les personnages, victimes collatérales, dans un solipsisme aveuglé. Le film
retranscrit la perte dans sa texture atone et immobile, physiologie de la
tristesse appliquée, apparente. On sourit quelquefois, on danse un peu, rappels
de la filmographie de naguère (dans Journal intime, même un cancer
prêtait à rire, à se moquer de l’incompétence des médecins), mais Moretti suit
la pente descendante d’un Almodóvar, plongé dans les ténèbres depuis Tout
sur ma mère, justement, avec le zénith obscur de La Mauvaise Éducation,
avant sa récente remontée vers le soleil de la comédie en avion (Les
Amants passagers).
« Elle va mourir la mamma », chantait Aznavour, et
Giulia Lazzarini (actrice milanaise de théâtre et de TV, notamment une Maria
Montessori en 2007) incarne cette femme âgée, cardiaque, au bord du vide,
ancien professeur de latin (où gît notre Gaffiot ?) conseillant à bon
escient sa petite-fille Livia (juste Beatrice Mancini, exempte du rance cliché
de l’adolescente rebelle et hargneuse, ses larmes dissimulées sous une
couverture et contre le mur de sa chambre d’appoint dans l’appartement de la
grand-mère, qui porte son peignoir, que sa mère, incompréhensiblement et
logiquement, lui demande d’ôter) dans la traduction des textes antiques, lui
redonnant le goût de cette « langue morte », option dite élitiste
dépassée à présent par l’allemand ou le chinois. Moretti nostalgique (voire conservateur),
pleurant un enseignement défunt, et Moretti impudique, dans l’autobiographie
transparente (Agata devient Ada, porte les habits maternels ; Margherita
conduit l’auto de Nanni) ? Nous ne le croyons qu’à moitié, un peu comme
avec le Pialat de Nous ne vieillirons pas ensemble, et La Gueule ouverte résonne
apparemment avec l’argument de Mia madre, en plus trivial, en plus
salace (rappelons au passage que l’auteur de Sous le soleil de Satan
appréciait Sixième Sens, autre film funèbre mais roué, posé mais poseur).
Ni documentaire, ni autofiction, le film dresse un autoportrait par ricochet,
diffracté par le récit. D’ailleurs, Moretti pointe plutôt à raison le malaise
généralisé de Margherita, ancien et idiosyncrasique, en vrai point de
convergence entre le créateur et sa persona.
La culture, mondialement laminée par
l’hydre consumériste/fasciste (on renvoie vers l’enfer sadien vu par Pasolini) télévisuelle
puis numérique (notez l’absence d’ordinateur), reste à redécouvrir par la
jeunesse, trésor de beauté, de nuances (réelle difficulté de la transposition,
qui doit prendre son temps pour saisir au plus près la pensée du passé, dans la
langue et au cinéma), de sagesse (Mia madre, film stoïque, mélodrame
asséché, refuse l’obscénité de certains pleurs). Le réalisateur fait confiance
aux femmes d’hier et de demain, ce lien organique, physique, magique et parfois
tyrannique, il pardonne à celles d’aujourd’hui, à Margherita, en tout cas,
cette cinéaste tout sauf parfaite, plus talentueuse sur un plateau, même
empêtrée de doutes, de collaborateurs indociles, qu’avec sa famille ou ses
amants. À travers elle(s), il ne s’épargne pas, il se donne de l’air et des
raisons d’espérer, tandis que nous reviennent en mémoire les lumineuses
Jennifer Beals (Journal intime), Laura Morante (La Chambre du fils) ou
Jasmine Trinca (la jeune réalisatrice du Caïman). Dans la gangue du présent
dépressif, de l’horizon fermé sur un destin au goût de terre humide et de
cendres, elles aèrent la filmographie, vecteurs de désir, de renouveau, de
promesses. Le dernier film de Moretti, qui pourrait bel et bien s’avérer son
dernier, brille par cet équilibre entre les trois avatars féminins, trois côtés
d’un unique triangle matriciel, en métaphore littérale. Une première femme
disparaît (Hitchcock et ses silhouettes maternelles, maléfiques ou bénéfiques,
très humaines, de Rebecca, La Main au collet, Psychose
ou Pas
de printemps pour Marnie), une deuxième s’interroge (Margherita figure
de son temps, dans ses amours temporaires, ses incertitudes, ses colères et son
désarroi), une troisième prend le relais, apprend à conduire (sa vie), en
héritière discrète et présente (Livia,
au suffixe du prénom signifiant « rue » et « chemin »).
Le corps filmique, confronté à celui
de la mère, épuisé, perforé (pansement jauni de sa trachéotomie), étayé par
l’appareillage respiratoire, en constitue le tombeau de pellicule, le
sarcophage à vingt-quatre images par seconde, réalisant l’aphorisme pertinent
de Carax sur les films réalisés pour les mort(e)s et offerts à la vue des
vivants. En regardant celui-ci, en épousant les trajets exsangues de ces belles
comédiennes célébrées chez elles, méconnues dans l’Hexagone, on songe à trois
livres : L’Étranger de Camus (incipit
« mythique », dérive existentielle jusqu’au suicide par les autorités
de justice), Le Livre de ma mère d’Albert Cohen (beau requiem ressassant inlassablement la perte d’une « mère
juive ») et Le Château de ma mère de Pagnol (idem, sans « l’ethnicité » précédente mais dans la
mélancolique sensualité provençale), quatre, si l’on retient Ma
mère, le roman brûlant (et inachevé) de Bataille (Isabelle Huppert,
courageuse, s’y risqua, dans une médiocre adaptation commise par Christophe
Honoré), traduction mot à mot du titre du Moretti et chant d’amour incestueux
et mystique. Citons le valeureux réalisateur de Naïs, Jean
de Florette et Manon des sources : « Telle est
la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables
chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. » Nanni, bien
sûr, fait le contraire, il raconte aux enfants adultes du cinéma (les
« cinéfils » de Serge Daney) une histoire qu’ils connaissent et
redoutent mieux que d’autres, en nécrophiles partisans des salles aussi
obscures que la tombe (mais davantage confortables, quoique), en autistes
gaspillant leurs jours en fastueuses séances, fuites bigger than life loin et près de la Faucheuse.
Un soleil noir, mélancolique,
hivernal, nimbe le film, qui s’abouche à la bouche d’ombre d’une mort
essentielle, répétition prophétique et annonce insupportable de son propre
trépas. Si l’on vit, on ne peut « qu’enterrer ses parents », dans les
mots et les actes, leur survivre injustement et naturellement. Dans La
Chambre du fils, Moretti auscultait un désordre du monde, un chaos de
l’ordre des choses, celles de la vie, avec cette disparition insensée d’un
adolescent causée par un accident de plongée (le sort fatal du grand François
de Roubaix). Durant l’épilogue, sa famille orpheline et recomposée passait la
frontière et se retrouvait au bord de la mer, dans le champ ouvert des
possibles et celui de la caméra les abandonnant en travelling pour une nouvelle histoire leur appartenant, leur
restant à écrire, en français ou en italien, avec ou sans le secours de la
psychanalyse (profession du père impuissant, perturbé ; le mari d’Ada, par
conséquent le père de Margherita et Giovanni, hante le film par son absence,
fore un autre drame, un second mystère, en regard des principaux). Dans Mia
madre, l’enseignante effectue un voyage sans retour, et la cinéaste
finit par se tenir immobile face à l’objectif redoublé, invisible, de la caméra
hors-champ, œil majeur captant ses petites sœurs de la fausse usine. Elle
sourit et pleure, l’un et l’autre, l’un dans l’autre, alliance de contraires
indiscernables, tressés dans un moment qui lui appartient autant qu’au
spectateur (qui se souvient de tels avènements chez John Woo, familier du
mélodrame sous les atours du polar ou de l’Histoire). La mère, la mort, la mer,
l’aurore : Margherita, capable de dire, à cause de sa douleur, Je
suis un(e) autarcique, s’ouvre au(x) lendemain(s) (qui ne chanteront
pas, ou différemment, en mineur), là, précisément dans le bureau recouvert des
propres livres de Moretti, la chaise de l’absente replacée avec délicatesse,
comme un aérien baiser d’adieu.
« Noi siamo qui »
« Nous sommes ici », oui, ainsi que le constate le titre du film
dans le film, avec l’accentuation du pronom personnel en italien (on pouvait
dire « Siamo qui », ellipse moins littéraire et plus courante,
traduisible par « On est ici »). Ce « nous », on vient de
le voir, désigne une impossible collectivité dressée contre l’injustice du
capitalisme jugé amoral (un système économique, public ou privé, ne soucie pas
d’éthique mais seulement de son fonctionnement, de son développement, expansion
mécanique sur le modèle tumoral), du profit impitoyable, des chiffres
comptables des multinationales (et des actionnaires des « fonds de
retraite »). Dès les années 60, Fellini (La dolce vita), Visconti
(Rocco
et ses frères), Bolognini (Ça s'est passé à Rome, écrit en
partie par Pasolini) ou Risi (Le Fanfaron) sondaient les
défaillances et les impasses du « miracle économique » italien, et
Moretti, pas né de « cols bleus », réactualise la situation, la met à
jour, pour ainsi dire, par le biais d’une fiction emboîtée dans un drame
intime, l’échec d’une femme rejoignant celui d’un pays (ou du continent
politique européen, entre chômage structurel, crise monétaire, incurie des flux
migratoires et « poussées » électorales des « populismes »
en cyniques soupapes de sécurité, avec d’inquiétants et notables effets, comme
l’actuelle censure de la presse en Pologne). L’occupation scénarisée duplique
celle de la « vraie vie » proposée par le film, avec les banderoles
et le personnel en grève de l’hôpital – escarmouches, coups de fièvre sociaux,
« grognes » plus ou moins corporatistes : dans l’Italie
d’aujourd’hui, dans la France de maintenant, la Révolution s’évanouit en
protestations anodines, en pétitions risibles, en bégaiements d’actualités ; les « camarades », épris du cinéma ou non, peuvent
aller se rhabiller (en bleu Marine ?).
Le pronom vaut avant tout pour les
survivants, ceux des aléas de l’économie, des guerres d’Orient, de la classe
moyenne (puisque la classe ouvrière n’ira jamais au paradis, pas même chez Petri)
plombée par un décès prévisible et prévu, mal (la sœur) ou un peu mieux (le
frère) vécu. Nous, la famille, nous, les cinéphiles, nous, les anciens élèves venus témoigner
de la bonté, de la générosité, du talent pour transmettre et former (donc
« éduquer ») de l’enseignante. Moretti filme l’après du trépas, la renaissance
des souvenirs démultipliés, un homme et une femme dans l’appartement
silencieux, qui narrent avec émotion, sans pathos,
leurs relations pédagogiques et humaines (comme si l’on pouvait séparer les
deux) avec le spectre cher au prénom retrouvé. Avant que d’être épouse, mère,
grand-mère, avant que d’enseigner, de placer ses dernières forces dans un
héritage de mots, de traductions, de sourires et de lassitude (« Ils sont
gentils mais ils me fatiguent, à ne parler que du passé » conclut-elle
après la visite d’anciens compagnons), cette femme vécut aussi sa vie, connut
certainement des jouissances et des deuils, ne sut pas répondre ni dire ce
qu’il fallait au moment idoine. Imparfaite avant la maladie, celle-ci ne la
couvrira pas d’une auréole, ne la sacralisera point dans une intouchable aura (culte lacrymal de l’époque,
dégoulinante de « larmes de crocodile », à défaut de caïman). Mia madre s’interdit
l’hagiographie, et sa grandeur provient également de son mutisme, de ses
manques : en tant que spectateur, co-auteur du film avec ses créateurs,
toujours et surtout lorsque l’on aborde des œuvres importantes, il faut
imaginer Ada (et Margherita) heureuse.
Ce « nous » polysémique
s’autorise encore la métaphore évidente mais intelligente. Dans l’une des
meilleures scènes, instant de stupeur, de rancœur, de découragement, Margherita
se réveille les pieds dans l’eau (motif féminin par excellence, de Vigo, son
amant séparé plongeant à la recherche de son amour dans L’Atalante, à Tinto
Brass, écumeur des canaux vénitiens mouillés par les effusions humides de
Stefania Sandrelli pour La Clé). Son appartement
« prend l’eau », à l’image de sa vie, submergée par l’ombre de la
mort imminente, de l’inaboutissement du film, ce Noi siamo qui qu’elle
essaya à rebours du reste de son parcours, audace de cinéaste, remise en
question au moyen de la « conscience sociale » et de l’auteurisme
(que filmait-elle avant ? Moretti ne nous le montrera pas). Un sceau et
des revues dérisoires (couvertures racoleuses découpées dans Aprile)
ne suffiront pas à éponger l’inondation ni sa dette maternelle. Elle emménagera
dans la maison de la mère, bientôt rejointe par sa fille, premier foyer, lieu
des origines à plus d’un titre. On n’en finit pas de revenir au point de
départ, de regarder en arrière, de ruminer hier – mais il convient d’avancer,
même avec une improbable voiture recouverte de projecteurs et de caméras
(sueurs froides de Turturro sur la route romaine). Margherita, juchée sur son
trône en métal, casque sur les oreilles, flanquée de ses assistants, invective
le pauvre acteur américain, incapable de dire ses répliques et de conduire
« pour de bon ». Elle rejetait la facticité du soutien technique, la
voici confrontée à une immobilité rageuse, à un « patinage » méta et
psychologique (ah, cette idéale chanson chorale et motorisée de La Chambre du fils).
Les morts s’en vont pour l’on ne sait
où (le cosmos, l’éden, la terre) et il reste les vivants, qui réalisent des
films ou rédigent des blogs de
cinéma. Nous demeurons là, dans notre enfer profane, nos attristants bonheurs,
nos agitations éphémères. Nous savons bien que nous allons mourir, la Mort se
rappelle à notre bon (ou mauvais) souvenir au fil (coupant) des jours, et Mia
madre agit en feutrée « piqûre (d’hôpital) de rappel ».
L’amour ? Plus froid que la mort, répondait Rainer Werner. L’amitié ?
Un malentendu, pour détourner Camus. L’art ? Un « simulacre »,
dépourvu de la « séduction » théorisée par Baudrillard. Embrasser un
revolver (Gibson chez Donner), avaler trop de cachets, se tailler les veines
dans une baignoire remplie d’eau chaude : mille et un moyens d’en finir,
en revers des mille et une histoires de Shéhérazade contant (comptant) pour
sauver sa peau. Travailler fatigue, affirmait Pavese (adapté par Antonioni avec
Femmes
entre elles), Le Métier de vivre aussi, et le
poète se suicida aux somnifères à quarante-et-un ans, dans une chambre d’hôtel
à Turin, pendant l’été 1950. En épitaphe posthume, le beau La mort viendra et elle aura tes
yeux, consacré à « notre compagne/du matin jusqu'au soir, sans
sommeil,/sourde, comme un vieux remords/ou un vice absurde » achevé par :
La mort a pour tous un regard.
La mort viendra et elle aura tes
yeux.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir resurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Nous descendrons dans le gouffre
muets.[1]
Dans la salle
provinciale (« On vit tous en province/Quand on vit trop longtemps »,
dixit Brel dans Les Vieux), les lumières
se rallument, les mouchoirs s’utilisent, le public chenu d’une association de
promotion de la civilisation italienne, organisatrice de la projection,
occupant plusieurs rangées de sièges, prend congé, acquis à la cause de
Moretti. Votre serviteur, la gorge serrée, encore sous le charme intense de la photographie
d’Arnaldo Catinari (L’Ange du mal, de Michele Placido, futur DVD à visionner), des
extraits d’Arvo Pärt (parmi Leonard Cohen, Jarvis Cocker, Nino Rota ou Philip
Glass ; que devient Nicola Piovani ?), se lève à son tour, le
générique arrivé à son terme (peu nombreux à l’imiter, en 2015 et avant).
Dehors, il fait nuit et doux. Dans deux semaines environ, il écrira une dizaine
de pages en deux jours sur le film, « publiera » dans le calme d’un
week-end, avant Retour à Ithaque de Laurent Cantet, suggestion féminine, vu au
même endroit (une association d’espagnol, cette fois) et, qui sait, le replay sur le site d’ARTE d’un long
métrage israélien ironiquement intitulé Youth (pas celui de Paolo
Sorrentino, auteur de l’épuisant Il divo, un peu vite sacré
dépositaire du regain du cinéma italien, au côté du surfait Matteo Garrone,
signataire de l’horrible Reality). Peu importent le trophée
cannois « en chocolat » et l’adoubement paresseux des Cahiers
du cinéma : Mia madre, nous réfléchissant tel Le
Voyeur, pour d’autres raisons, nous accompagnera longtemps de notre
vivant renaissant, dans la traînée stellaire et intime, douloureuse et
radieuse, des femmes disparues à chérir, des femmes présentes à aimer.
"Nous sommes ici" pour ne pas écrire "Nous avons été là". Rien que cette sentence est politique, le film dans le film (et bien au-delà), mais aussi très personnelle puisque "Nous sommes ici" pour vivre et poursuivre.
RépondreSupprimerIl y a une chose que j'ai comprise a posteriori en mettant les mots dessus au croisement d'un escalier dans la pénombre d'un couloir en compagnie d'une collègue qui voulait bien m'entendre, c'est la recommandation de la réalisatrice à ses acteurs qui par cette phrase est tout à fait nébuleuse et n'est jamais vraiment comprise.
"Être le personnage, tout en restant à côté"
Et finalement, il me semble que beaucoup du film peut être lu avec ce conseil ou cette consigne en tête. Moretti n'interprète pas le réalisateur, trop peu prudent, exposition trop douloureuse pour un tel sujet, la perte de sa mère : il est à côté et aux côtés, bienveillant, de son personnage. Margherita, quant à elle, trouve petit à petit cette place à côté d'elle, se voir toute jeune comme dans cette merveilleuse scène, une file d'attente pour les Ailes du désir.
"Être le personnage, tout en restant à côté" c'est une invitation à la lucidité (la mort en face) tout autant qu'à la prise de distance : la mort ? Et alors ? « Noi siamo qui »
Escaliers à la Escher, inspirants et réversibles, dans Suspiria ou pas...
SupprimerNous sommes ici et vous - le spectateur, le citoyen, le lecteur, l'électeur, le travailleur - aussi, tandis que "l'être-là" dont parle Heidegger respire à l'ombre d'une disparition fondamentale ; présence de l'absence dans la mémoire et le cinéma, déjà la mémoire du cinéma, art centenaire et par essence funéraire (voyez la vitalité du théâtre dans Opening Night)...
Margherita, avec son mantra méthodologique et narcissique - dans un miroir, je me retrouve face à moi-même, idem sur un tournage ou dans la société, paré d'un masque démoniaque ou non (Bava et le passé qui ne passe pas) -, se voit itou à côté "de ses pompes", "de la plaque", de son amant, son ex-mari, sa fille, de sa propre vie, spectatrice du film qu'elle ne dirige plus, à côté de sa mère, bien sûr, à son chevet, aveuglée par les regrets, le voile des illusions méta enfin déchiré, un peu tard (et après ? Aucune réponse, sinon hic et nunc, une énigme en forme de fiction)...
Moretti, volontiers dédoublé naguère, acteur à côté du réalisateur, s'interroge en cinéaste (et orphelin) sur sa place : dans un lit, dans la Cité, sur un plateau, à mi-chemin d'une existence, où et comment se situer ? S'agiter dans l'effort du sport collectif (Palombella Rossa) ou se figer, solitaire, dans un bureau maternel hanté ?
Devenir acteur et cesser d'observer, surtout soi-même : le film, entreprise commune, réalise une prise (de conscience) et paraphe une singularité, enfant de pellicule offert à celle qui ne le verra jamais, qui sait...
Comme la disparition d'une icône et un billet en forme d'hommage...délicat ...
RépondreSupprimercomme un écho qui ..."No Home Movie n'est pas un film triste sur la mort. Ce n'est pas non plus un film qui console. C'est un film qui questionne la proximité, la distance, la disparition. Parfois on est proche quand on est loin, parfois on est loin quand on est proche. D'ailleurs, dans No Home Movie, Chantal répond à sa mère qui lui demande pourquoi elle la filme sur Skype : “Parce que je voudrais faire quelque chose comme quoi il n'y a plus de distance dans le monde.” La distance et la proximité, cela fait écho au dernier livre de Chantal, Ma mère rit [édité au Mercure de France, ndlr] et aussi à un livre précédent, Une famille à Bruxelles [édité par L'Arche]. Ce n'est donc pas un film à part, hors de la vie, hors de ce qu'elle avait fait jusque là, au contraire.
“Le cinéma est un art qui implique une dimension non-expliquée.”
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