Mommy


Un métrage, une image : Psychose (1960)


Une bonne douche et au lit, disent les travailleurs manuels, et Norman Bates se donne certes bien du mal pour tenir son motel au bord de la faillite, depuis le détournement de la route principale ; pour atterrir chez lui, « il faut se perdre », comme se perdit Dante dans sa forêt infernale. Après la sauvagerie du meurtre au pommeau (et au rideau), le juvénile tenancier, au physique de jeune premier (celui du roman de Robert Bloch s’avère obèse et dégarni !) récure de fond en comble la salle de bains éclaboussée où résonna auparavant une chasse d’eau – une « première » dans un film hollywoodien, se targuait ce pervers d’Alfred Hitchcock, sale gosse lui aussi en surcharge pondérale, ravi de sa mauvaise blague sonore, presque plus fier de celle-ci que de l’assassinat de sa star. On pourrait, avec beaucoup moins de peine, répertorier les scènes (et les plans) d’anthologie de ce film tourné rapidement, à peu de frais – un vrai film « d’horreur économique », bien avant les déboires financiers et autres des propriétaires de leur maison du côté d’Amityville, tant l’argent y occupe une place centrale, du début à la fin – mais oublions, pour une fois, l’anthologie et les passages obligés. Un lit retient notre attention, celui de Norma, la mère de Norman, et notez que leur identité ne tient qu’à une fragile lettre, menacée de disparaître aussi vite que le dernier mot de la dernière phrase d’une nouvelle anxiogène de Richard Matheson, Auto-escamotage. La sœur de Marion Crane, voleuse (comme une pie) au patronyme d’oiseau et de support de caméra, avant de découvrir à la cave le secret horrible – et non plus magnifique, comme chez Douglas Sirk – du fils préféré, trop couvé dans son nid gothique tout droit sorti d’un tableau d’Edward Hopper, pénètre dans la chambre de la mère devenue celle du rejeton, à l’instar, dans le conte, de la donzelle ouvrant la porte interdite de son époux à la barbe bleue. Les draps du matelas, suaire quotidien et banal, portent l’empreinte d’un corps : celui du fils, commettant l’inceste par procuration ? Celui de la mère, fantôme revenu d’entre les morts pour hanter l’espace mental de sa progéniture matricide ? Le réalisateur ne tranche pas, comme il se gardait bien d’expliquer les zones d’ombres de Sueurs froides (comment Judy s’y prend-elle donc pour entrer dans l’hôtel, paraître à la fenêtre puis s’évaporer à la barbe et au nez du détective transi, autant que de la gérante bien réveillée ?). Psychose recèle encore ainsi quelques pièces inexplorées, « condamnées » : on n’en finit jamais de retourner au manoir égaré, pas vrai, Vera Farmiga ? 

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