Poltergeist : Attention, les enfants regardent


Suite à sa diffusion par ARTE, retour sur le titre de Tobe Hooper.


« They're here. TV people. » Biskind (Mon Hollywood) y voit une relation d'amour/haine contrée par le spectacularisme du couple Lucas-Spielberg. La chambre des gosses remplie du merchandising de La Guerre des étoiles mais aussi d'une affiche de Alien (JoBeth Williams glissera dans sa piscine aux vrais squelettes humains en petite culotte et t-shirt de foot américain, croisement de Ripley et de Barbara Hershey dans L'Emprise, cf. scène précédente sur le lit). Une satire du couple républicain : Madame au foyer lisant des ouvrages pratiques et Monsieur une biographie de Reagan – on rit beaucoup à et dans Poltergeist, comme à Psychose et... Massacre à la tronçonneuse, plus encore dans sa suite se gaussant des yuppies. Cet humour macabre signe le film d'Hooper, comme sa conception du huis clos en tant que Luna Park (Massacres dans le train fantôme). La tornade et la réplique du mari sur « le côté de l'arc-en-ciel » renvoient au Magicien d'Oz (Carol Anne en avatar de Dorothy). Le scénario développe le bel épisode écrit par Matheson pour La Quatrième dimensionLa Petite Fille perdue, saison 3 de 1962, où se trouve aussi Jeux d'enfants, remaké par Spielberg dans le long métrage. La « bilocalisation » fait penser aux taches solaires de Massacre, comme le cimetière à moitié déplacé répond à celui ouvrant le même titre (rejoint plus tard par le mésestimé Mortuary, autre portrait de mère courage).

Fable politique rejoignant l'horreur « économique » (King in Anatomie de l'horreur) du premier Amityville : la classe moyenne va en enfer (Petri ?), le promoteur symbolise le passage du sacré au trivial commercial, et les cercueils, avec des gestes de fête foraine, remontent à la surface du territoire des morts spolié par l'économie de marché. L'histoire d'une famille qui n'arrive pas à dormir dans son propre foyer (Paranormal Activity). Hymne patriotique et image mythique (les soldats au drapeau démystifiés par Eastwood dans Mémoires de nos pères) : il faut réveiller les gens de la majorité silencieuse, faire rejaillir leur « force vitale » (Lifeforce) en les projetant dans un conte de fées de cinéma (baiser hollywoodien devant le projecteur de la porte entre les univers) domestique conjurant la peur ultime de chaque parent – perdre son enfant. Au terme de l'aventure existentielle qui les fait littéralement re-naître (la baignoire placentaire) et assister à une scène primitive (un cordon ombilical glisse dans l'entrée utérine de l'autre monde), ils perdent tout, dont leur maison, mais gagnent le droit de se reposer dans un bien nommé Holiday Inn (Leatherface s'épuisait dans une danse finale ; ils atteignent la chambre harassés). Le dernier trait d'humour – un ton L'esprit s'amuse de Lean, prolongé bien sûr par SOS Fantômes – renverse Tout ce que le ciel permet : les enfants de Jane Wyman offrait à leur mère esseulée un téléviseur, ici sorti manu militari par le pater familias héroïque du quotidien...

Descendance : La Nurse de Friedkin et son arbre dévorateur ; Gremlins et sa schizophrénie diégétique et créative (Dante versus Spielberg, avec une modulation de la berceuse de Goldsmith attribuée à Gizmo). Kiyoshi Kurosawa filme des morts qui respirent, hypnotisés par des écrans de PC encadrant des spectres en miroir, Nakata des enfants battus remontant à la surface, eux aussi, d'un puits ou d'un château d'eau, et fusionne les deux lignes, technologique et mélodramatique, dans l'intéressant Chatroom.

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