Derrière la porte rouge : Défense et illustration du film d'horreur


Vous vivez dans un corps ? Vous craignez la maladie et redoutez la perte ? Face au miroir, il vous arrive d’entrevoir un crâne ? Le cinéma d’horreur ne vaut guère sa réputation et tire sa grandeur de ces questions inconfortables mais vitales.     
       
Connaissance d’une nation

Voici un monde étrange et pénétrant. Voilà une terre où les morts dévorent les vivants, où l’on suspend à des crocs de boucher la jeunesse américaine, où les cauchemars éventrent leurs dormeurs, où la torture se commercialise à l’Est.

Ici, les valeurs s’inversent. Ici, point d’aide à attendre des autorités. Seul un soleil noir éclaire ces flots de sang, seul rugit un long hurlement infini. Bienvenue en enfer, bienvenue chez eux.

Cet univers obéit aux règles d’un genre, indubitablement. On retrouve des figures, des situations, des schémas de destruction. Plutôt que narratives, les fictions qui s’y déroulent possèdent toutes à un degré différent le caractère intrusif et intense d’un mauvais rêve. Cela n’exclut pas l’humour, le grotesque, le point de vue documenté sur des moments de société.

N’en demeurent pas moins une impression de vertige, de danger constant et soutenu, la certitude que vraiment le pire va arriver, tapi dans le hors-champ.

Pays paranoïaque où les vies valent peu, où le corps devient le lieu de tous les supplices, de toutes les mutations, cette foire des ténèbres charme aussi par sa lucidité, son courage, et pour qui sait voir par-delà l’imagerie violente, une vraie douceur, une indéniable beauté, comme la pornographie délivre parfois, presque au hasard et malgré elle, des marques lumineuses de tendresse au détour d’un regard ou d’un geste.

Au bout de la nuit américaine, après les affres interdites aux mineurs, une fois traversée cette terre sauvage et létale, on se surprend à sourire, à vivre mieux, à aimer encore, rescapé d’un faux désastre, bien vivant après mille agonies, et l’on savoure la joie miraculeuse d’être encore en vie.

Quel monde se reflète dans ce miroir obscur ? Le nôtre, bien sûr.

Texas mon amour

La fille crie sans fin, elle pourrait crier ainsi jusqu’à la fin du film, jusqu’à la fin des temps.

À un moment précis, lors du banquet familial, sans doute bascule-t-elle dans l’hystérie, non comme misogyne attribut féminin (merci à la psychanalyse) mais bien plutôt comme forme de survie, comme on débranche vivement un appareil domestique qui menace de disjoncter.

Là où certains verraient une chute dans la folie, une plongée dans les abysses du néant face à ce que l’on ne peut plus supporter, à ce qui supprime toute forme d’avenir, à jamais enchaîné au traumatisme, on peut aussi faire l’hypothèse d’une amère victoire, d’un combat remporté parce que débouchant sur la simple et grisante survie. Crier, oui, mais vivre encore.

 À quelques pas, à jamais avec elle et avec nous, le géant autiste au masque de cuir, de cuir humain qui lui donne son nom, entame une danse étrange devant un soleil dont on ne sait plus s’il annonce le crépuscule ou l’aube. Sa tronçonneuse se dresse face au ciel vide comme son pénis d’enfant ne le fera jamais.   

Lui aussi pourrait danser jusqu’à la fin des temps, mais une fin des temps déjà arrivée, la fin des idéaux avec la guerre asiatique, la fin de l’économie avec les abattoirs à l’abandon pour lesquels il faut trouver d’autres cadavres. Iconique, majestueux, nanti d’une grâce folle, il tourne et tourne levant haut l’arme qui l’identifie et le fait tenir encore debout.

Mais plus tôt il se lamentait comme un enfant coupable d’une bêtise, redoutant le courroux de la famille, et nous bouleversait par cette étincelle d’humanité autant que par ses meurtres atroces.

Ainsi cette somme cinématographique, dans sa poésie crue, dans son innocence brutale, vaut toute la sociologie américaine des années 70.


La Tragédie d’un genre ridicule

Il existe deux genres tragiques au cinéma : le film d’horreur et le mélodrame. Eux seuls répondent aux critères aristotéliciens de définition du drame antique. Eux seuls nous immergent dans la terreur et la pitié pour nous en délivrer.

La grandeur et la beauté du cinéma d’horreur résident en partie dans sa frontalité, dans sa radicalité. Ces films, en tout cas les grands, vont jusqu’au bout, ne tergiversent pas, ne font pas de compromis avec les formats audiovisuels dominants. 

S’ils peuvent s’emprisonner dans une convention, dans une forme morte car ressassée, épuisée en franchise, s’ils peuvent verser dans l’autodérision et le post-modernisme avec son grand vide citationnel, ils conservent en leur cœur un noyau de nuit capable d’exploser à nouveau, telles ces bombes de la Seconde Guerre mondiale retrouvées encore nocives au sein des grandes villes d’aujourd’hui. Si elle se dévalue, l’horreur ne se corrode pas.

Aux héros grecs se substituent des gens du commun, des individus aussi populaires que ceux qui observent leur destin. Au-delà de l’effet miroir qui renvoie aussi à la nature même du cinéma contre d’autres arts plus élitistes, ils en gardent la noblesse précieuse des survivants, à tout le moins des combattants, haussant par leur caractère le genre dit mineur au niveau des grandes questions et des grandes œuvres.

Non pas jouets des dieux mais de leurs semblables, de leurs frères méconnaissables, tous ces personnages s’éloignent du statut de chair à découper pour nous ressembler étrangement, avec leur difformité, leurs dimensions surhumaines, l’énigme de leur vide.

Par cette ressemblance, plus que par l’horreur des événements à affronter, ils se révèlent essentiellement tragiques, et donc humains.      

Contes de la lune rouge après la pluie

Le cinéma asiatique possède un grand secret : il croit encore au cinéma.

De cette foi simple et redoutable découle sa place royale sur l’échiquier mondial. Autrefois hongkongaise, puis japonaise, sa suprématie s’exprime depuis quelques années en Corée du Sud. Là-bas s’élaborent des fictions sauvages et raffinées plusieurs fois récompensées ici – un effet de la proximité du voisin totalitaire ?

On le sait, l’art se nourrit du désastre, de la tension, du chaos, rejoignant en cela l’un des principes de la pensée orientale, l’équilibre harmonieux de forces contraires. Au théoricien naïf qui enterrait la poésie à Auschwitz, le cinéma d’Orient oppose des allégories et des prophéties générées par la guerre et corroborées par le fait divers. 

Ici, on ne gémit pas, ici on ne se couche pas dans le lit sale du ressassement. On se relève et on crée, on filme des personnages et des histoires, quand les faiseurs américains et européens ne proposent plus guère que de dérisoires jeux de chapelle dans la stérilité du désert référentiel. Citer ou vivre, choisis ton camp, camarade.

Mais ce cinéma séduit aussi par sa capacité à brasser les tons et les époques. Grands mélodrames pleins de bruit et de fureur, de sauvagerie et de tendresse, toutes ces rencontres avec le Diable affirment la présence active des ancêtres, de la mort dans la vie, dépassant le tabou occidental en vue d’une représentation totale.

Métaphore historique, la jeune femme au visage dévoré par sa chevelure noire surgit d’un puits temporel où déjà ses sœurs témoignaient d’un viol, ou bien séduisaient dans un château hanté.


La Maman et le Malin

La gamine urine à ses pieds devant les adultes sidérés, elle vomit des obscénités et des matières sans nom, elle s’enfonce un crucifix sanglant dans son vagin d’enfant, elle subit un éprouvant examen médical, elle s’élève ligotée au-dessus de son lit de supplices, pour abolir des époques, pour confondre dans la même brume glacée l’Amérique contestataire et l’Irak possédé, couchée en lévitation face à Pazuzu en érection – épiphanie inversée d’une terrifiante beauté inégalée.

Mais sous ce crescendo de chocs et d’agressions qui transforme le film en expérience résonne un coup de grâce, sous le bruit des hurlements et des langues devenues folles retentit une lamentation. Sous ce corps de fillette disloqué, profané, qui imprime sur son propre torse sa souffrance et appelle au secours, gît le corps d’une autre femme.

Apparaît sur le masque subliminal du démon le visage adoré et meurtri de la mère, celle du prêtre, celle de l’enfant.

Chaque enfant insulte ses parents, chaque parent torture ses enfants dans ce monde qui pousse à bout les conflits entre générations et peut se lire comme une métaphore extrémiste des rapports de rébellion et d’autorité dans l’éducation contemporaine.

Plus encore, le grand péché originel, celui pour lequel la seule expiation réside dans une défenestration, se situe dans la démission d’un fils qui laisse sa mère à la maladie, à la vieillesse, à la solitude, et cet abandon fait bien sûr écho aux dernières paroles christiques.       
                  
Puisqu’ici-bas règne le Diable, certainement, il faudra se contenter du sourire fragile sur le visage blanc de l’enfant malade et peut-être guérie.


Citizen Caïn

Ils voulaient filmer des sauvages, et ils enregistrèrent leur propre sauvagerie. Ils voulaient créer des situations, mettre en scène un spectacle violent, et ils ne purent que figurer à ce jeu de massacre. Les bobines retrouvées témoignent de leur folie et montrent leur vrai visage.

Cette morale irrita fort, plus que les morts réelles d’animaux, plus que les empalements et les étripages. On s’offusqua, notamment dans l’Italie terroriste, de cannibales si politiques.

Un peu plus tard, dans un monde réduit à un supermarché, où les consommateurs d’outre-tombe reviennent sur les lieux de leurs crimes marchands, un autre groupe tente de survivre durant la fin du monde, dans toute l’horreur économique.

Ces films illustrent, mieux que tous les traités marxistes, un moment de civilisation, un basculement de valeurs : l’homme devient lui-même une marchandise, un produit à consommer après tous les autres.

Ces satires en colère, à l’humour toujours moins malade que les sociétés qu’elles décrivent, ne tombent cependant jamais dans le tiers-mondisme et ses caricatures. La bonté et la malignité, la confiance et la ruse, la sincérité et l’exploitation, transitent constamment entre les individus de tous bords, fluctuent, changent de camp.           

Fables médiévales et hyper contemporaines, qui ne donnent pas de leçon mais à réfléchir lors d’un immense festin nu, lors d’un sinistre et joyeux adieu à la chair...      

Dans ce carnaval des animaux, nous nous entre-dévorons tous, filmés pour l’éternité dans un faux reportage, avec pour seul salut un hélicoptère qui nous emmènera vers des jours et des nuits où les zombies aussi commenceront à penser.  



Le Charme discret de l’hémoglobine

Dans le gore et dans le porno, il s’agit de donner à voir les fluides invisibles, sang et sperme, et d’en éclabousser le spectateur ravi.

Mais le premier s’utilise comme figure de style quand le second constitue un genre en soi. Tous deux convoquent la jubilation monotone des grands saccages, quand on fait ce qu’il ne faut pas faire, quand on explorait enfant tous les orifices et toutes les humeurs de son corps à découvrir. Comme l’imagerie sanguinolente descend du Grand-Guignol, les performances anatomiques proviennent du jeu du docteur. Une même origine puérile commande à ces débordements adultes.

Une différence de taille (!), cependant : même si la jouissance aussi utilise l’artifice, le trucage, le montage du temps, elle ne s’en contente pas, elle vise absolument l’effet de réel : ce que je regarde se déroule vraiment.

Les images sexuelles gagnent en gravité et en puissance ce qu’elles perdent en légèreté et en sympathie au profit des images sanglantes. Souvent ludique, récréatif, avec le charme direct des abstractions surréalistes, le gore peut aussi, plus rarement, faire advenir de plus noires créations, comme ces têtes qui explosent sous l’impact de la pure pensée, ou ces portes d’ascenseur qui s’ouvrent pendant une éternité pour laisser libre cours à un torrent de sang dans le cerveau hanté d’un écrivain raté.


Soupirs et hurlements

Au terme de sa quête du cri parfait, le preneur de son spécialisé dans les séries Z horrifiques se tient assis sur un banc, seul sous la neige de Philadelphie, à écouter en boucle les hurlements de son amour perdu. 

L’aventure italienne des modernes qui ne savent plus aimer se finissait par une rime visuelle, mais sur l’épaule de l’autre homme assis venait se poser in fine la main d’une femme encore présente. Déjà on ne se parlait plus guère, ou alors pour proférer de mauvais dialogues en regardant dans des directions opposées. Déjà la crise du sens et des sentiments s’accompagnait d’une aphasie.

Que reste-t-il après les mots et le silence ? Le cri, bien sûr.

Ce cri naît précisément dans la douche d’un motel où une voleuse innocente s’égare. Avec elle advient un cinéma du cri, du hurlement. De sa bouche obscène cadrée en gros plan, de sa gorge profonde annonciatrice, vont surgir les mille intonations de toutes les scream queens à venir.   
      
 Ce cri primal va résonner à nouveau dans la bouche de l’une des meilleures actrices des années 70, lors de son viol muet vengé par un vieux fusil. Aux stridences des violons de proie aussi coupantes qu’un couteau se substituera le souffle stupéfiant d’un lance-flammes.

Mais la terreur sait aussi murmurer, soupirer.

Que chuchote donc à l’oreille de celui qui le trahit et le conduit en cour martiale le GI violeur et meurtrier pour le terrifier à ce point ? Une promesse d’outrages pires encore que ceux infligés à la jeune Asiatique enlevée vraiment à ses parents pour l’amusement des boys ? Un tête à tête entre hommes dans une des galeries où ils risquaient l’émasculation ?

On ne le saura jamais, mais on finit par rouvrir les yeux, et le voyage mental au pays des horreurs s’achève. Le bon soldat descend du métro dans le parc ensoleillé dépourvu de cadavres.




Norman, Jason, Freddy et les autres

Mieux encore que banalité, familiarité du mal : nous appelons les monstres par leur prénom, nous les connaissons tous, comme le premier homme qui baptisa tous les animaux. À la veille d’un déluge, quels membres du bestiaire embarquer dans notre arche ?

Sauvera-t-on le travesti parfait petit homme de ménage, ou alors l’homme du lac qui porte un masque de hockeyeur, ou bien encore le pédophile immolé au pull rouge et aux griffes d’acier ? Inutile de chercher : nous les accepterions tous, comme on ne peut choisir entre les membres de sa famille.

Tous conservent une part d’humanité qui les rapproche de nous, au-delà de leurs pires méfaits. Des liens d’hygiène (de maniaquerie), d’indifférence ou d’humour noir nous les rattachent encore : ils éprouvent des sentiments humains, ils font encore partie de la grande famille.

On admire les mille métamorphoses de la chose tapie dans les glaces, parasite uniquement vu par ses hôtes, qu’elle sculpte follement. Le fuselage, la célérité et la double gueule de l’étranger radical séduisent aussi, mais l’émotion ne naît que du sacrifice ultime de la seule femme qui enfante son rejeton en se jetant dans la fournaise. Ces animaux nous restent étrangers, ils appartiennent à une autre espèce.    
   
Alors que les cœurs solitaires ne voient aucune objection à écrire, voire à épouser des hommes emprisonnés pour homicide et viol.

Le monstre humain met simplement en actes notre nuit ricanante, impitoyable, mécanique, et ce jusque dans l’avilissement de sa figure devenue souvent franchise.

Mais la monstrueuse parade brouille les lignes et déplace les frontières entre le monstrueux et l’humain, et l’affreuse poule sans corps en exposition voltigeait autrefois dans le ciel de sa cruauté envers le prince charmant difforme. Dans leur extrême violence, les monstres démontrent leur humanité sans angélisme.
     


Le Clan des puritains

Toutes les bonnes âmes qui conspuent l’horreur (et la pornographie), avec notamment l’argument rassis de la corruption de la jeunesse, continuent à manger devant le journal télévisé, à battre leurs épouses ou des prostituées, à abuser de leurs enfants.  

Interdire pour protéger, calomnier pour affaiblir : vieille tactique, déjà usitée pour d’autres arts. Rappelons que l’enfer des bibliothèques religieuses abritait des collections de choix pour les amateurs. Rappelons aussi que condamner chez autrui ses propres vices, ou leurs variantes, permet de facilement s’en dédouaner.

Plus profondément, tout cet arsenal moral dénote un immense mépris du corps, une crainte irraisonnée des organes, un refus de la violence sous toutes ses formes. Tous les tartufes exècrent la chair à force de la trop désirer, de la savoir périssable. Le genre abonde en portraits de ces bienfaiteurs, une raison de plus de le haïr. Heureusement, la mère bigote finira crucifiée par son souffre-douleur de fille télékinésique.

S’ils ouvraient de temps en temps un dictionnaire, ils s’apercevraient que le pouvoir omnipotent qu’ils attribuent à des films qu’ils ne visionnent même pas se révèle en fait une puissance variable selon les individus lui faisant face. Chacun ne perçoit un film qu’à sa façon, et nul ne se soumet jamais qu’à l’hypnose, le contraire du cinéma.

Demeure la question de la censure économique : existe-t-il un public pour ces films, alors que le pire produit télévisuel bien-pensant hexagonal trouve un financement pour sa projection en salle ? 



Torture-moi, idiot

La pornographie de la torture, comme disent les journaux américains, tire son origine officielle de la guerre en Irak, de ses débordements médiatisés, et de la colère suscitée.

Héritiers de la tradition victorienne qui situait l’horreur à l’Est, dans la vieille Europe pas encore civilisée, voici donc deux voyages à l’étranger qui tournent très mal. On fixe le prix d’un Américain comme celui d’une pièce de bétail, et de bons pères de famille jouent les équarrisseurs. Le tourisme sexuel débouche sur le sadisme mondialisé.

Plus tard, on décrira une Internationale de la torture, avec ses procédures et ses participants. Le legs vampirique s’incarnera aussi dans un nouvel avatar de la comtesse rouge qui se baignait dans le sang des vierges, pour une grande séquence baroque et poignante.

Mais encore : la victime sur sa chaise renvoie à la situation même du spectateur. Cette position rappelle celle du sauvageon de l’orange que l’on croyait guérir par un traitement audiovisuel basé sur la musique classique et la foire aux atrocités. Ici, pas de guérison mais une réflexion, dans les deux sens du terme, sur la violence désirée, celle que l’on commet grâce à des millions et celle que l’on regarde pour quelques sous, avec toutes ses conséquences.

Moralité : le prix à payer, en actes et en prise de conscience, demeure exorbitant pour tous. Et dans le ciel s’élève soixante plus tard la même cheminée – les bourreaux ne meurent jamais vraiment.




Autant en emporte le sang

Survivre, survivre à tout prix jusqu’au bout de la nuit : peut-être le cinéma d’horreur ne parle-t-il pas d’autre chose, le seul autre terme, au fond, avec mourir, de l’élémentaire équation. 

Tu te bats ou tu crèves, et même si tu te bats, rien ne t’assure de ne pas crever, plus tard. Chaque film, et chaque mort, violente ou pas, à l’intérieur – autant de répétitions de ton propre trépas, autant d’occasions de te familiariser avec ton ultime plan. On devrait tous apprendre à mourir en regardant des films d’horreur.

À mourir mais pas seulement : il va falloir aussi défendre chèrement sa peau. On pourrait dater la naissance du sous-genre du survival aux débuts des années 30, et pour cause. Dans une période de grave crise économique, chaque matin représente une survie.

Sur une île, un petit groupe de naufragés devient le gibier d’un comte au patronyme curieusement russe ; il servira lui-même de proie à la toute fin. Quarante ans après, un séjour nature se soldera par un viol et un duel au banjo – qui parla de bon sauvage ?

Voici donc l’optimisme du genre, sa nature apparemment américaine. Mais la survie laisse dans les bouches un goût de cendres, et les mains rougies de son propre sang.  

Au bout de son cauchemar en plein soleil, l’ami perfide amoureux fou perd à nouveau l’illusion qu’il aima. Les bras en croix au bord du vide qu’il ne craint plus, il semble un ange déchu contemplant l’abîme. Survivre, mais à quoi bon si l’on perd sa raison d’être ?



Tout sur ma fille

Dans son laboratoire il s’active nuitamment. Il vit hors du monde à la recherche d’un secret qui se dérobe. Peu importe le nombre de cobayes ramenés par son assistante dévouée, et les échecs qui s’ensuivent : il ne s’arrêtera pas avant de greffer un nouveau visage à sa fille.    

Mais la chair ne tient pas, mais les tissus se putréfient, mais la greffe ne prend guère. Une série d’admirables photographies frontales nous montre la décomposition, irréversible, jamais endiguée. La promesse d’une nouvelle vie s’érode dans les portraits d’un monstre chéri.

Sous le masque immaculé, escortée de colombes, la belle sans visage va errer dans la nuit complice. Elle n’en reviendra pas et nous non plus.

Le père aimant trouvera quant à lui une mort atroce parmi les chiens déchaînés qu’abritent les cages rouillées du sous-sol. Sa charpie répondra aux traits insoutenables de la tendre écorchée.

Pièce unique dans la production nationale, ces yeux hanteront longtemps ceux qui osent plonger dedans comme on fixe son propre abîme. Incarnation de la beauté convulsive réclamée par un manifeste littéraire, elle brille d’un éclat noir jusque dans sa valse claudicante, ses automobiles funèbres et son parc de conte de fées où danse la Dame blanche.     


Lettre à une chère inconnue

Des mille visages de la mort, qu’on nous accorde le droit de retenir et de célébrer celui-ci.

Dans un univers au macabre feuilletonesque, à la poésie remportée sur le manque de moyens, dans de vrais décors nimbés de corps nubiles, châteaux forts en ruines peuplés de vampires nues, elle apparaît.

Elle porte la traditionnelle robe noire à capuche et tient à deux mains la non moins traditionnelle faux qui coupe toutes les vies.

Que porte-t-elle sous sa grande cape ? Rien, sans doute. Elle s’avance pieds nus sur la pierre grise d’un pont, magnifique spectre blond qui vient à notre rencontre.

On se souvient aussi d’une étreinte saphique parée de la douceur et des sourires de femmes entre elles.

Tout cela appartient au siècle dernier, et même avant, à une sorte de parenthèse imaginaire. Il fallait bien la candeur de l’unique star du cinéma pornographique français pour illuminer de sa seule présence ce conte pour adultes, et justifier son titre. Dans son corps idéal, elle évoque les figures romantiques où s’unissaient l’amour et la mort, la chair et le néant.

Par ailleurs cavalière, femme lucide et à l’écoute, elle traversa nos rêves maudits avec la beauté mélancolique et jamais scandaleuse d’une étoile amicale qui donnait envie de mourir entre ses bras.  

  
Le Genre qui aimait les femmes

Pour les pharisiens, ou presque pire encore, pour ceux qui proclament vouloir « subvertir le genre », le cinéma d’horreur ne ferait que maltraiter « la femme », lui ôtant « sa dignité » pour en faire un tas de viande à découper. Ils ne savent pas voir malgré leurs yeux la place au contraire centrale qu’elle occupe.

Comment oublier tous ces visages et tous ces corps, comment ne pas admirer leur courage, leur sagacité, leur position toujours du côté de la vie (même les meurtrières disposent d’une énergie noire) ? Comment ne pas les aimer ?

Qu’elle lutte toute la nuit de la Toussaint contre la forme anonyme, son propre frère ; qu’elle séduise des vierges victoriennes d’un baiser mortel ; qu’elle capture des prétendants et s’en débarrasse dans sa cave ; qu’elle accomplisse à travers ses larmes le suicide de son amour métamorphosé en insecte ; qu’elle porte dans son ventre la survie de la race à la fin du monde capitaliste ; qu’elle longe dans sa folie un couloir aux murs couverts de mains ; qu’elle chante l’impossible amour avec le compositeur défiguré ; que la soutienne une troupe de policiers au sortir de son enfer – les femmes obtiennent ici les épreuves et les privilèges d’une héroïne, et les actrices admirables parmi leurs meilleurs rôles.   




La Rose écarlate du Caire

Deux images nous hantent, et se répondent avec la symétrie inversée d’un reflet au miroir.

La première victime rêvait qu’en se masturbant sous la douche un bel inconnu puissant la prenait par derrière en bâillonnant son cri de douleur. Après des préliminaires au musée, en une somptueuse chorégraphie du désir et de la séduction, elle oubliait sa culotte de soie dans un taxi sous l’œil du chauffeur, pour apprendre à la suite d’une nuit d’amour sa probable contamination vénérienne. Dans l’ascenseur qui ne la mène pas au septième ciel, elle meurt sous les coups de rasoir d’une autre blonde.

Sous le passage couvert aussi rouge qu’un utérus, la sculpturale italienne en robe blanche à même sa peau brune endure pendant douze longues minutes un viol anal et un passage à tabac en plan-séquence, qui firent leur effet à Cannes.

Ces deux scènes remarquables, où les actrices font des merveilles – et une révélation à nos yeux pour la seconde –, bouleversent par le même geste fait par chacune à plus de vingt ans de distance : une main tendue accompagnée d’un regard caméra.

Puissance du cinéma et de l’horreur, qui interpellent directement le spectateur en un appel au secours terrifiant et désespéré. Plus efficaces que toutes les campagnes d’associations, ces deux moments traversent littéralement l’écran pour nous happer – et nous ne pouvons pas prendre leur main.


Le Silence des héros

Une grande mélancolie irrigue le genre.

Nous ne parlons pas ici de la tristesse du cinéma pornographique, étudiée ailleurs. Ce sentiment d’inachevé, de désillusion, de solitude décuplée et de basse mythologie ne domine pas en ce lieu. Un autre ressenti plus subtil règne pourtant.

Après tous ces carnages, ces massacres, ces abominations, ces larmes de sang, s’établit un étrange silence, sans doute celui de l’extinction des batailles, quand tous les soldats n’agonisent plus et que la terre gorgée de vie chaude exhale une brume pourpre. Ce silence retentit en nous.

Voyez ces corps éventrés, ces vies éparpillées. Constatez ce gâchis, cette terrible fragilité des os rompus. Que vous disent-ils ? Que signifie leur silence absolu ?

Ce tableau infernal peint par les pires scènes en rappelle d’autres plus historiques – « Pourquoi me montrez-vous ces horreurs ? » demandait la fille aux flics traquant le criminel nazi incognito dans la petite ville – mais pas seulement.

Après la grande tuerie, nous entendons le bruit inaudible de la mort. Rangés les tabliers des bouchers en tous genres, et les outils pour opérer les mutantes. Dans la plaine fumante nous contemplons ce que nos yeux morts ne verront plus, notre propre destin.

Seul le cinéma, par ses liens avec la mort, permet cet avant-goût du tombeau.

Ici, n’abandonnez pas toute espérance, mais sachez la perte irréparable, et savourez sa beauté.


Sans toit ni voix

Les morts vont vite, on le sait, et ils finissent toujours par nous rattraper, quelque agitation que l’on mette comme barricade entre eux et nous. Oui, les morts étreignent toujours les vivants, à la fin.

Force qui va, lente ou plus rapide suivant les versions, le zombie occupe l’imaginaire morbide contemporain. À quoi doit-il cette popularité, déclinée en plusieurs supports et jusqu’en série télévisée ?

Assurément, il se prête à maintes lectures. Le voici instrumentalisé en exclu social, frère muet des laissés-pour-compte de toutes les banlieues du monde, symbole décomposé de tous ceux qu’on retient à la porte loin du festin et qui reviennent dévorer ceux qui mangent à leur faim. Refoulé faisant retour, il incarne le tabou ultime, face à celui du sexe récupéré depuis quarante ans par les marchands. Mais la mort aussi se vend bien.

Une autre lecture.

Dans ce monde glacé, numérisé, médiatisé, dans cette partie du globe à bout de souffle, en cessation de paiement et aux arts moribonds, le zombie se tient en parfait reflet de ceux qui frémissent avec délice à sa quête sans fin, ignorants de leur propre nature de mort-vivant.

Mon semblable, mon frère, tu me ressembles trait pour trait et je ne le vois pas, je cherche à t’exterminer mais toujours tu renais comme l’herbe mauvaise et les tentacules de la pieuvre.

Oui, les vivants perdent toujours face aux morts.

Les Massacreurs du soir

Comme tous les arts visuels, le cinéma repose sur la lumière. En contradiction, le cinéma d’horreur s’épanouit dans la nuit.

La nuit d’un grenier ou d’une cave, la nuit d’une forêt ou d’une grande maison, toutes les nuits lui conviennent. En elle il puise ses aspirations et s’enracine pour mieux y retourner. Un film d’horreur, avant tout, ouvre sur la nuit.

Si, en esthétique, le sublime se définit comme une horreur lointaine, le genre tire sa beauté d’une horreur proche, prête à surgir, à quelques centimètres à peine dans les replis de la nuit. Il suffit d’un jeu d’ombres sur les murs d’une piscine pour qu’une jeune femme au visage de chatte se mue en panthère – grande leçon de la lumière.

Mais certains choisissent le jour et l’horreur en plein midi.

Dans le désert sans ombres sévit la famille irradiée ; dans le vaste hôtel ajouré rêve sa vie le piètre écrivain ; sur la plage cendrée se soumet à un escarpin rouge vif le futur assassin. Si le sommeil de la raison engendre des monstres, si la nuit libère les créatures féroces dans une parade aux flambeaux, l’excès de soleil rend fou, une lumière constante dérègle tous les sens.

La mère se barricade à dessein, protégeant ses enfants du jour, car un seul rai naturel les dissoudrait tous, les rendrait au néant auquel ils appartiennent déjà, un peu comme une simple allumette embraserait toutes les pellicules inflammables, et le cinéma avec.      





Vampirique et vieilles dentelles

Oublions d’emblée la dégénérescence de la figure du vampire dans la tétralogie mormone, et ses déclinaisons en imbuvables bluettes. Chaque mode propose son exutoire aux œstrogènes.

Les films anglais des années 60 apportèrent un grand courant d’air frais, essentiellement grâce à une utilisation remarquable de la couleur. Ils transposent au cinéma le gothique flamboyant de l’architecture religieuse. Le raffinement et le soin de la production (décors, costumes, accessoires) les éloignent des classiques en noir et blanc et des couvertures criardes des publications à deux sous.

L’érotisme manifeste constitue bien sûr l’autre apport majeur de cette nouvelle vague. Les films de vampires reprennent en rouge sang un schéma de base du vaudeville : le ménage à trois. Il faut sauver la vampirisée pour sauver son couple. Il faut s’affirmer en homme – ah, le pieu bien aiguisé ! – face à l’agressive virilité de l’aristocratique acteur cosmopolite.

Le genre joue aussi sur deux tableaux : en montrant le premier des femmes qui aiment d’autres femmes, il annonce le féminisme en satisfaisant un fantasme masculin.

Mais les vampires peuvent s’étouffer avec le sang impur de jeunes filles à la virginité perdue, ou mourir dans leur chambre d’enfant dans l’incertitude de la porphyrie.

Le vampire qui doute regagne son humanité.




Le Jour se couche

Le mal ne meurt jamais : cet axiome conclut de nombreux films d’horreur.

Un même déterminisme maléfique ouvre et clôt ces histoires. Ce qui arriva arrivera encore, la progéniture ne se libère jamais vraiment de ses géniteurs.

Dans la cellule de l’habitacle, le regard fixe sur la route de nuit, la gamine rescapée de la folie maternelle porte sur son bras la marque maudite – elle aussi s’inscrira dans le matriarcat, elle aussi donnera forme à sa rage.

Cette structure circulaire, avec sa fausse fin, permet bien sûr les suites ad nauseam et l’exploitation du filon. Mais, de façon plus importante, elle affirme un principe d’incertitude, un salut précaire, la prévision de mauvais lendemains.

Dans toutes ces trajectoires narratives, les personnages, s’ils s’en sortent, ne remportent que des batailles, jamais la guerre, et comment le pourraient-ils, puisque chaque vie s’achève par une défaite ?

Il faut s’imaginer Sisyphe horrible.

Cinéma de combat et d’expérience des limites, cinéma d’affrontements et de destruction, qui met à nu, qui donne à voir en spectacles étourdissants l’entreprise de démolition minant chaque existence.

Dans son musée miniature, le chercheur hybride conserve ici un doigt, là une oreille, le pauvre reliquat de son humanité et de sa santé en train de le fuir.

Mais parfois le survivant ne garde que les oripeaux de la vie. Son corps se réduit à une coquille vide, à la terreur inhabitée. Passé de l’autre côté, il contemple une terre dévastée, pour nous, encore vivants et incrédules, inaccessible.

Et le crâne de la mère chérie se superpose au visage de cire du bon fils, le dévorant de l’intérieur et lui volant jusqu’à sa voix.     


Le Cercle noir

Après l’explication psychanalysante, après la confession ironique adressée au seul spectateur, un dernier plan en guise de salut : on remonte la voiture inutile du marais.

Plus que symbole appuyé d’un improbable inconscient, nous voici invités à méditer face à une double métaphore, à la fois historique et spatiale.

Le passé revient toujours, toujours les mauvais souvenirs et les mauvaises actions refont surface. Crime collectif et national (génocide indien) ou petite saloperie individuelle finissent par réapparaître en plein jour et en pleine face. Ce genre excelle aussi dans la mémoire et la mauvaise conscience.

Mais aussi cet étang de boue d’où l’on extraie une preuve rendue caduque – encore de l’ironie – par la disparition prématurée de la star, figure le cinéma d’horreur lui-même. Ici nous pêchons les poissons noirs de notre part d’ombre, ici nous mettons au jour toute la nuit qui nous compose, nous alimente, nous détruit parfois.

On sait le film rêvé par le réalisateur : une séquence nous détaille toutes les étapes de l’assemblage d’une automobile, pour se conclure par une portière ouverte sur… un cadavre. Dans cette fin, le corps empaqueté dans le rideau de douche doit se trouver dans la malle, ou bien dort-il tout au fond dans la vase obscure, comme une sœur de la blonde Ophélie après ses noces avec le chasseur nocturne.

Pas d’issue, en tout cas, pas d’échappatoire au noir cercle où se rejoignent les personnages reliés par des mystères et du sang, par un fatum sans dieux.

David ou la dernière fugue

Les traits blancs de la route perforent la nuit américaine et ne signalent pas mais égarent tous les sens dans le voyage mental d’un gosse du Montana.

Tout un monde sensuel à découvrir, où se perdre avec délice. Toute une longue nuit et des jours au soleil trompeur ou aux parures automnales qui serrent la gorge.

Une haie blanche franchie, des champs géométriques survolés.

Une oreille où descendre, un tracteur à chevaucher.

Un poulet récalcitrant qui vomit du sang noir.

De vieilles chansons perdues dans les limbes.

Des couples si naïfs, si pervers, si proches de ceux qui les épient dans un placard.

« You put your disease in me » énonce le mannequin, la mère, l’amante, la victime.

Tant de visages maternels inoubliables, dont celui qui murmure sur la voie lactée à l’homme-enfant qui s’endort pour ne plus se réveiller.

Une effarante galerie de démons aux visages blêmes, au masque à oxygène, à la moustache mexicaine.

Des satires de la vie à deux dans une Amérique mythique.

La route de brique jaune et les fantômes crépusculaires du boulevard. 

Un baiser entre femmes, un enfant monstrueux qui agonise, un amoureux fou qui court sur une mer immobile de voitures.

Des sons inouïs, une texture sonore à nulle autre pareille.

Le récit magnifique d’un vétéran, la chansonnette d’une femme dans un radiateur.

Le silence et une boîte bleue de Pandore.

Le calvaire de Laura et ses larmes de joie durant son assomption dans la chambre rouge, une main sûre et tendre sur son épaule.

Avec ces mélodrames de cauchemar, la boucle ne se boucle pas mais se fuit en un ruban de Möbius. 


La Mélodie du malheur

Vingt-quatre étapes ne font pas un paysage, et le voyage pourrait se poursuivre encore. Derrière la porte rouge se trouvent d’autres cabinets de curiosités, d’autres chambres froides, d’autres salles de torture, d’autres édens aussi.

À chacun d’apporter ses bagages, à chacun, pour le danger encouru, de se pencher au-dedans.

La beauté, la grandeur de ce cinéma, que d’autres les chantent avec leurs stigmates et leur foi. Que de nombreuses pages s’imbibent de cette encre noire. Et sa petite musique de nuit, endiablée, funèbre, mélancolique, qu’elle résonne longtemps à nos oreilles sourdes. Nous souhaitons autant d’horreurs que d’arcs-en-ciel.

Car l’humanité seule sert de matériau à ce genre, dans sa cruauté, dans sa tendresse, dans sa folie et son émerveillement.

Les films adultes, les films radicaux qui se moquent des chaînes de télévision et de leurs diktats, tous ces films rares et précieux, courageux et impitoyables, dispensent la meilleure éducation, celle du regard  et du cœur. Un film d’horreur peut laisser les mains moites et l’esprit groggy, mais jamais ne salit, mais toujours purifie.

À l’opposé de la camelote audiovisuelle dégorgée journellement, ils font dissidence (mais pas sécession), ils résistent et nous rendent résistants. On peut regarder la mort et la vérité en face en regardant des films d’horreur.

On éprouve à s’immerger en eux la terreur et la pitié des premiers spectacles, mais l’horreur se joue devant les yeux, sans pour autant exténuer l’imaginaire ni le désir. Et tous les flux d’une vie circulent dans ce cinéma, pas seulement le sang. À l’instar du mélodrame, le film d’horreur intensifie les sentiments, rend l’amour extrême et déchirant, fait percevoir le monde avec le tranchant et l’acuité d’un suicidé, ou d’un amoureux.

Adieu donc, pour un temps, à cet univers qui nous déshabille, nous incarne, nous transmet l’énergie de son soleil noir. La porte lentement se referme sur sa leçon de ténèbres – ne vous retournez pas.   

               

Commentaires

  1. Tant qu'à faire dans "l'univers qui nous déshabille "
    "Goliatha
    Où c'est qu'elle a laissé ses sels ? Où est son sac maya qu'elle a acheté aux Indes, où elle dissimule ses drogues ? Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Un frigo ?
    Elle est folle, un frigo au milieu de la scène !
    (au téléphone)
    Allô ? La petite patronne s'est évanouie ! La ménopause.
    Et vous, qui êtes-vous ?
    Comment qui je suis ?
    Je suis Goliatha, la majordome de ce théâtre !
    C'est un théâtre ici, Monsieur !
    Comment ça, ce n'est pas un théâtre ?
    C'est à moi que vous dites ça ? Il y a le public devant moi !
    Ce n'est pas un théâtre ?
    Vous êtes sûr ?
    Vous me faites marcher !
    Répétez ça que je vous casse !
    (Elle casse le téléphone)
    Si ce n'est pas un théâtre ici !
    Où sont les sels de ma petite patronne ?
    Le frigo ? Si je l'ouvrais ?
    Y a-t-il quelqu'un à l'intérieur ?"
    Le frigo , la pièce de théâtre du génial Copi écrite et jouée entièrement ,
    tous les rôles , par Copi mort du sida en 1987 .
    https://www.dailymotion.com/video/x20rnj

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